Depuis plus d’une décennie, la République centrafricaine (RCA) est au cœur des efforts internationaux visant à lutter contre le commerce des diamants de conflits. En 2013, le Processus de Kimberley (PK) — une initiative mondiale opérant un système de certification visant à empêcher les groupes rebelles de financer leurs opérations grâce aux revenus générés par les diamants — a imposé un embargo sur les exportations de diamants bruts à la suite d’un violent coup d’État et de nombreuses informations faisant état du financement des rebelles par l’exploitation et le commerce des diamants. Si l’embargo a été partiellement assoupli entre 2015 et 2019, les progrès ont ensuite été freinés par une montée des tensions géopolitiques, notamment après l’arrivée de mercenaires du groupe Wagner en RCA et les inquiétudes croissantes concernant l’influence grandissante de la Russie dans les secteurs de la sécurité et de l’exploitation minière du pays. La plupart des zones minières sont restées sous embargo jusqu’en novembre 2024, date à laquelle le PK a levé – de manière assez soudaine – les dernières restrictions, invoquant une amélioration de la situation.
Sur la base d’entretiens avec des mineurs, des négociants, des représentants de l’État, des représentants de la société civile et des experts internationaux en Centrafrique, ce nouveau rapport publié par IPIS évalue l’impact de l’embargo du PK sur l’exploitation minière artisanale, le financement des conflits et les dynamiques de la contrebande. Il examine également les motivations qui ont conduit à la décision de lever l’embargo et étudie ses conséquences probables pour la RCA et la gouvernance des diamants plus largement.

Les principales conclusions montrent que l’embargo, bien qu’il visait à empêcher le financement des conflits, a souvent nui davantage aux mineurs artisanaux qu’aux groupes armés. À partir de 2016, la chute des prix des diamants et la détérioration des conditions économiques ont incité un nombre croissant de mineurs artisanaux à se tourner vers l’extraction de l’or, plus facile à autofinancer, exempte de sanctions et qui est devenue une source importante de financement des conflits. L’embargo a également alimenté la contrebande de diamants et attiré divers réseaux illicites. Il n’a pas permis de s’attaquer aux problèmes structurels plus profonds tels que la corruption, l’insécurité et les attentes irréalistes placées dans la surveillance d’une chaîne d’approvisionnement nationale et internationale très complexe et fragmentée.

La décision de lever l’embargo, motivée en grande partie par des pressions politiques, a été prise sans stratégie claire pour relever ces défis persistants, risquant ainsi de compromettre davantage les efforts visant à mettre en place un secteur diamantaire favorable au développement inclusif et à la stabilité à long terme. Elle soulève également de sérieuses questions quant à la crédibilité et à la pertinence future du PK lui-même.
Alors que le secteur diamantaire de la RCA redémarre, le rapport appelle à un engagement soutenu de la part du gouvernement, de l’industrie et de la société civile aux niveaux national, régional et international. Les principales priorités sont le renforcement de la surveillance, un soutien significatif aux mineurs artisanaux, l’amélioration de la coopération transfrontalière et un engagement renouvelé en faveur de la transparence, de la diligence raisonnable et de la responsabilité. Sans ces efforts, les mêmes schémas d’exploitation et de conflit risquent de se reproduire, qu’un embargo soit en place ou non.

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Ce document a été réalisé avec le soutien financier de l’Union européenne. Son relève de la seule responsabilité de l’IPIS et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne.