La République démocratique du Congo (RDC) est un acteur important de l’industrie mondiale du diamant, avec un considérable potentiel inexploité. Elle détient 9 % des réserves de diamants connues dans le monde et représente 18 % de la production mondiale de diamants industriels et 3 % des diamants de qualité gemme. Malgré des perspectives prometteuses, le secteur diamantaire du pays traverse une crise existentielle prolongée, marquée par une baisse continue de la production depuis plus de 15 ans.
Ce rapport examine la situation actuelle du secteur de l’extraction de diamants en RDC, notamment les tendances de la production, les principaux défis à relever, ainsi que les efforts déployés et les opportunités qui s’offrent pour relancer le secteur et accroître son impact sur le développement local et le bien-être socio-économique.

La production annuelle de diamants est passée d’environ 30 millions de carats au début du siècle à une moyenne de 11,7 millions de carats par an depuis 2019. La première baisse significative, autour de 2008, a été largement entrainée par le déclin de la production à grande échelle faisant suite aux difficultés rencontrées par la Société Minière de Bakwanga (MIBA), une société paraétatique d’extraction de diamants. Une deuxième baisse importante a débuté vers 2017, cette fois-ci en raison de la chute des niveaux de production artisanale.
L’exploitation minière industrielle
L’extraction industrielle de diamants en RDC a lieu dans la région du Kasaï. Au cours de la dernière décennie, elle a été dominée par la Société Anhui-Congo d’Investissement Minier (SACIM), à la suite de l’effondrement de la société minière d’État MIBA, qui était autrefois prédominante.

La MIBA était autrefois une force économique majeure dans la région du Kasaï et une source de financements clef des efforts de guerre de l’ancien président Laurent-Désiré Kabila. Son déclin a débuté après la perte de ses concessions les plus précieuses et la conclusion de contrats d’exploitation (ou « léonins« ) avec des investisseurs étrangers – problèmes aggravés par le manque d’investissements, l’épuisement des gisements et l’échec (?) des renégociations de contrats. Des allégations de corruption généralisée, notamment de détournement de diamants à grande échelle, ont encore aggravé la crise. Avec un équipement opérationnel minimal et une dette croissante, la production de la MIBA a chuté de 9,5 millions de carats en 1990 à seulement quelques dizaines de milliers ces dernières années. Bien que le président Tshisekedi, originaire du Kasaï, ait proposé un plan de relance, nombreux sont ceux qui le considèrent avec scepticisme en raison d’un financement insuffisant.

Depuis 2016, la SACIM est devenue le plus grand exploitant de diamants en RDC, exportant 4,32 millions de carats en 2022. Malgré des chiffres de production relativement stables, la réputation de la SACIM est controversée car elle a fait l’objet de diverses accusations, notamment de graves violations des droits des travailleurs et des droits humains, de fraude fiscale, de pollution, de pillage des ressources et de défaillance à contribuer au développement local. Pour répondre aux accusations de fraude, le gouvernement a publié en 2022 un décret exigeant que la SACIM vende ses diamants par l’intermédiaire de cinq exportateurs congolais préapprouvés, ce qui, selon certains députés, constitue une violation du code minier. La SACIM a réagi en réduisant sa production.
Au-delà de la SACIM et des vestiges de la MIBA, la RDC abrite de nombreuses sociétés semi-industrielles d’extraction de diamants. Leurs activités ne sont toutefois guère surveillées par les services gouvernementaux. Nombre de ces sociétés opéreraient sous la protection d’hommes forts influents ou de membres de l’armée nationale FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo), qui obstruent souvent l’accès et la surveillance par d’autres services gouvernementaux. Ce manque de contrôle a donné lieu à de nombreuses plaintes, notamment en ce qui concerne les dommages causés à l’environnement, la réduction de l’approvisionnement en eau, la diminution des stocks de poissons et l’expulsion des mineurs artisanaux des sites miniers.
La chaîne d’approvisionnement en diamants artisanaux

Depuis l’effondrement de la MIBA, les mineurs artisanaux sont devenus les principaux producteurs de diamants en RDC. On estime que 450 000 mineurs artisanaux fournissent 60 à 80 % des volumes d’exportation de diamants du pays. Le secteur de l’exploitation artisanale du diamant congolais est toutefois confronté à plusieurs défis majeurs, notamment la difficulté pour les services de l’État de contrôler la chaîne d’approvisionnement, les bas niveaux de production, l’extorsion des acteurs de l’ASM et l’insécurité.
Le secteur est caractérisé par une informalité profondément enracinée. De nombreux acteurs de l’ASM échappent en effet à la surveillance formelle des agents de l’État. Les agences gouvernementales tentent de canaliser le plus possible le commerce du diamant dans la chaîne d’approvisionnement formelle, mais ne sont pas en mesure d’effectuer un contrôle efficace au niveau des sites ou de superviser les innombrables et complexes transactions qui caractérisent le commerce du diamant artisanal. Par conséquent, ces services sont contraints de se fier aux volumes et aux origines des diamants déclarés par les négociants locaux, sans aucun moyen de vérification fiable. Le système de contrôle interne de la RDC peine également à lutter efficacement contre la fraude.

Le secteur du diamant artisanal congolais traverse probablement sa pire crise depuis son essor dans les années 1980. Au cours de la dernière décennie, les volumes de production ont diminué de moitié. La baisse du prix des diamants et l’instabilité du marché mondial auraient ruiné de nombreux négociants locaux. Cette situation a impacté l’accès au crédit, un facteur essentiel dans le secteur, car les négociants préfinancent généralement les opérations de l’ASM. Ce financement est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, car les gisements peu profonds ont été épuisés, poussant les mineurs à creuser plus profondément, généralement sans outils adéquats ou équipement de sécurité, augmentant ainsi le risque d’accidents. La frustration liée aux difficultés d’accès aux zones riches en diamants pousse les jeunes locaux à s’introduire sur les concessions de la MIBA, en grande partie inexploitées, malgré la menace d’une répression violente de la part des gardes ou des soldats.
La région du Kasaï, qui dépend fortement de l’industrie du diamant, a été durement touchée par le ralentissement de ce secteur, ce qui a entraîné une crise socio-économique et une émigration importante. Plus de 200 000 personnes auraient quitté les régions diamantifères du grand Kasaï pour s’installer principalement à Kinshasa ou dans le Haut-Katanga. Une migration qui a parfois contribué à la montée des tensions ethniques.
Comment inverser le déclin ?
Le combat de la RDC pour relancer son secteur diamantaire et relever les principaux défis est entravée par des difficultés majeures de gouvernance et ce, malgré l’existence d’un cadre juridique adéquat et d’institutions pertinentes. La faiblesse de la mise en œuvre et le caractère informel de l’exploitation minière artisanale continuent de nuire à l’efficacité de la réglementation du secteur. Dans le même temps, les mécanismes de contrôle internationaux ont donné des résultats insatisfaisants. La RDC est signataire du Processus de Kimberley (PK), un régime commercial multilatéral conçu pour renforcer les contrôles internes dans le but de freiner le commerce des « diamants de conflits ». Bien que le cadre réglementaire du pays réponde aux exigences minimales du PK, il reste des défis majeurs à relever pour contrôler de manière exhaustive la production et le commerce des diamants dans tout le pays.

Malgré son vaste potentiel géologique, le secteur diamantaire de la RDC a connu des difficultés au cours des deux dernières décennies. Ce rapport identifie les principaux défis qui entravent actuellement la relance du secteur et sa contribution au bien-être des communautés locales. La volonté de nombreuses parties prenantes en RDC de contribuer à ce rapport – en discutant ouvertement des défis auxquels le secteur est confronté – démontre un engagement inébranlable en faveur du progrès et de la réforme, même face à de nombreux obstacles.
Pourtant, alors que ces dernières années ont été marquées par de nombreuses initiatives visant à améliorer la transparence, le respect des droits humains ainsi que la productivité des minerais dits “de conflit » (étain, tantale, tungstène et or) et des ressources stratégiques (comme le cuivre et le cobalt), les diamants sont restés largement à l’écart de ces initiatives. Plusieurs personnes interrogées ont exprimé leur frustration quant au fait que le secteur du diamant – malgré sa grande importance socio-économique, son besoin d’investissement et la présence du Processus de Kimberley – reste largement négligé et sous-financé.
Les marchés en aval et le Processus de Kimberley ne peuvent se décharger de leurs responsabilités lorsqu’ils imposent des normes. Sans un soutien financier et technique spécifique, il est irréaliste et contre-productif d’attendre de la RDC qu’elle satisfasse à toutes les exigences et qu’elle établisse un contrôle total sur ses centaines de mines de diamants et ses innombrables transactions.

Ce document a été réalisé avec le soutien financier de l’Union européenne. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité de l’IPIS et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne.