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Déclaration conjointe d’ONG : Le règlement de l’UE sur les ‘minerais de conflits’ peine à atteindre ses objectifs

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20 ONG appellent l’UE à renforcer l’application des règles et à adopter de nouvelles mesures

Bruxelles, le 19 octobre 2023

Plus de six ans après son entrée en vigueur, le règlement de l’Union européenne sur l’approvisionnement responsable en étain, tungstène, tantale et en or provenant de zones de conflit ou à haut risque peine à atteindre ses principaux objectifs, à savoir : rompre le lien entre l’exploitation des minerais et le financement des conflits ainsi que lutter contre les violations des droits humains dans les chaînes d’approvisionnement. Nous soussignées, organisations non gouvernementales européennes, appelons l’UE et ses États membres à redoubler d’efforts pour faire appliquer le règlement existant et à adopter de nouvelles mesures afin d’améliorer la transparence de la chaîne d’approvisionnement, tout en augmentant le soutien direct à l’approvisionnement responsable dans les pays producteurs. 

Aujourd’hui, IPIS et PAX publient une note d’information (en anglais) intitulée “The EU Conflict Minerals Regulation: High Stakes, Disappointing Results” (« Le règlement de l’UE sur les minerais de conflits :  Enjeux importants, résultats décevants »), qui analyse la mise en œuvre et l’impact du règlement. Le document formule également une série de recommandations détaillées à l’intention de l’UE et de ses États membres.

Les importateurs de l’UE sont tenus de respecter les exigences du règlement de l’UE sur l’approvisionnement responsable en étain, tungstène, tantale (communément appelés les « 3T ») et en or provenant de zones de conflit ou à haut risque depuis le 1er janvier 2021, après une période de transition. Également connu sous le nom de « règlement des minerais de conflits », il est destiné à avoir un impact non seulement sur les importateurs de l’UE, mais aussi sur toute la chaîne d’approvisionnement : des fournisseurs directs des entreprises européennes aux mines d’origine des minerais. 

Plus de six ans après la signature du règlement et près de trois ans après la date d’application de l’entièreté des articles, le constat est décevant : le règlement n’a pas eu d’impact notable sur la chaîne d’approvisionnement, et a fortiori dans les pays producteurs. Au même moment, le commerce illégal des minerais – en particulier de l’or – continue de jouer un rôle important dans le financement de certains conflits, aux côtés d’autres sources de revenus.

Les importateurs de l’UE échouent souvent à mettre en place des systèmes adéquats et complets de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement et à communiquer les informations requises. Ces opérateurs économiques ne connaissent souvent pas l’origine des minerais ou, du moins, n’incluent pas cette information dans les rapports qu’ils présentent aux autorités compétentes des États membres. Alors que la plupart des importateurs de l’UE s’approvisionnent auprès de fonderies et d’affineurs situés en dehors de l’UE, ces derniers, à leur tour, sont rarement transparents sur l’origine des minerais. Étant donné que les importateurs européens ignorent souvent l’origine des minerais, il n’est pas réaliste de croire que les exigences de l’UE se répercutent sur les fournisseurs jusqu’au niveau des pays producteurs.

Cela signifie également qu’aucune diligence accrue dans les zones de conflit ou à haut risque ou dans le secteur de l’artisanat minier n’a pu être appliquée jusqu’à présent. Une décennie de mise en œuvre de procédures de diligence raisonnable nous a appris que la tension entre, d’une part, éviter toute violation des droits humains dans la chaîne d’approvisionnement et, d’autre part, poursuivre des activités dans les zones de conflit ou à haut risque ou liées à l’artisanat minier ne peut être résolue par les seuls marchés. S’approvisionner en dehors des zones de conflit ou à haut risque et exclure l’artisanat minier est actuellement une décision commerciale peu coûteuse et peu risquée, tandis que rester impliqué dans des zones de conflit ou à haut risque ou dans l’artisanat minier entraîne souvent des coûts (supplémentaires) de diligence raisonnable, d’audit et organisationnels. Si l’UE souhaite véritablement contribuer à l’amélioration de la situation des droits humains dans les pays producteurs, y compris dans les zones de conflit ou à haut risque, elle devrait intervenir activement, à la fois en aidant les entreprises en aval à engager des activités dans ces zones ou avec l’artisanat minier et en soutenant les producteurs en amont à se conformer progressivement aux normes de l’UE. Cette approche progressive, acceptant les imperfections, pourrait en même temps stimuler une plus grande transparence.

Afin d’améliorer la transparence, les organisations soussignées demandent à l’UE d’exiger aux importateurs de l’UE d’assurer la traçabilité de leurs importations jusqu’aux mines d’origine dans tous les cas, qu’ils s’approvisionnent ou non à partir d’une zone de conflit ou à haut risque, et d’imposer des sanctions dissuasives aux importateurs qui manqueraient de façon répétée de se conformer aux obligations énoncées dans le règlement. L’UE devrait également élargir le champ des informations que les importateurs de l’UE sont tenus de divulguer au public. Une plus grande transparence aidera les journalistes et les organisations non gouvernementales à jouer leur fonction essentielle de surveillance et contribuera à renforcer la confiance du public. En outre, l’UE devrait doter la Commission européenne d’une plus grande capacité à jouer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du règlement, ce qui devrait aussi renforcer le travail des autorités compétentes des États membres.

Les régulateurs devraient éviter de s’appuyer de manière excessive sur les mécanismes de devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement mis en place par l’industrie (“industry schemes”) ou sur les audits réalisés par des tiers, quelle que soit leur qualité. Ils devraient plutôt les utiliser comme des outils parmi d’autres, tels que les informations obtenues auprès d’organisations non gouvernementales, de journalistes, de chercheurs universitaires et des communautés concernées elles-mêmes.

Enfin, les organisations soussignées demandent à l’UE de renforcer sa collaboration avec les pays producteurs des 3T et d’or, notamment en mieux informant les acteurs concernés au sujet des exigences changeantes de l’UE en matière de devoir de diligence. S’approvisionner de manière plus directe auprès de zones de conflit ou à haut risque et de l’artisanat minier raccourcit la chaîne d’approvisionnement et permet de mieux promouvoir les pratiques respectant à la fois les communautés locales – y compris les mineurs artisanaux – et l’environnement. À défaut de telles améliorations, le règlement restera un exercice purement technique sans aucun impact sur les communautés des pays producteurs.

Organisations signataires

  • Actionaid
  • Agir ensemble pour les droits humains
  • Alliance for Responsible Mining 
  • Avocats sans Frontières
  • CNCD-11.11.11
  • Diakonia
  • EurAc
  • GermanWatch
  • Global Witness
  • Instituto Escolhas
  • IPIS
  • Justice & Paix
  • Ökumenisches Netz Zentralafrika
  • PAX
  • PMU
  • Rainforest Foundation Norway
  • Search for Common Ground
  • Solidaridad
  • SOMO
  • VredesactieWEED – Weltwirtschaft, Ökologie & Entwicklung