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Analyse de la carte interactive des zones d’exploitation minière artisanale dans l’Est de la République démocratique du Congo (2022)

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Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), le secteur de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) joue un rôle important dans l’économie locale. Alors que les conflits armés à grande échelle autour des richesses minières de la RDC ont considérablement diminué au cours des vingt dernières années, les acteurs armés continuent d’interférer dans le secteur minier. Les conflits liés aux ressources restent également fréquents au niveau local. Depuis 2009, IPIS a cartographié environ 2 720 sites artisanaux dans l’est de la RDC, recueillant des données primaires sur l’interférence des groupes armés, les types de minéraux, le prix des minéraux, la démographie des travailleurs, les routes commerciales et les questions environnementales.

IPIS continue à mettre régulièrement à jour sa base de données de sites miniers. Entre septembre 2021 et mars 2022, IPIS a visité 450 sites miniers dans l’est de la RDC avec le soutien du projet Integrated Land and Resource Governance (ILRG) de l’Agence américaine pour le développement international (USAID). Les visites de sites se poursuivront jusqu’au début de l’année 2023 mais les données collectées jusqu’à présent peuvent d’ores et déjà être consultées via la carte web interactive d’IPIS et notre Open Data Dashboard.

La carte interactive des zones d’exploitation minière artisanale

L’analyse des sites miniers nouvellement visités montre qu’une série d’acteurs armés sont présents dans les mines. Parmi ces acteurs armés, l’armée nationale congolaise (FARDC) est responsable de la plupart des cas d’interférence. Parmi les mines visitées par IPIS, 27% des artisans travaillaient dans des mines où les FARDC extorquent des bénéfices, principalement par le biais de taxes illégales. Bien que les FARDC aient repoussé les rébellions armées de certaines régions, elles tolèrent également l’ingérence illégale d’autres groupes armés dans les mines, et parfois même collaborent avec eux. Les éléments FARDC sont également de plus en plus présents dans les exploitations minières semi-industrielles où ils font office de gardes de sécurité privés, ce qui peut exacerber les tensions avec les communautés locales.

Les groupes rebelles interfèrent également dans l’exploitation minière. Un exemple illustratif est le Front Patriotique pour la Paix–Armée du Peuple (FPP/AP), qui est l’un des groupes armés les plus puissants dans le sud du territoire de Lubero. IPIS a répertorié une trentaine de sites miniers sous leur contrôle dans la région. Sur ces sites miniers, le FPP/AP prélève diverses taxes afin de financer ses activités. Le FPP/AP est en conflit ouvert avec le groupe armé Nduma Défense du Congo – Rénové (NDC-R), notamment pour l’accès aux sites miniers, ce qui entraîne une violence permanente dans la région.

Néanmoins, des progrès ont été réalisés au cours de la dernière décennie. L’EMAPE ne finance plus les conflits ouverts de grande échelle dans la même mesure qu’au début du siècle. Des progrès peuvent être observés en particulier dans le secteur 3T (étain, tantale, tungstène). Par rapport aux mines d’or, les mines 3T obtiennent de meilleurs résultats en matière d’interférence armée, de sécurité et de surveillance par l’État. Cela est dû en partie aux initiatives d’approvisionnement responsable. Contrairement au secteur de l’or artisanal, celui des 3T peut être considéré comme « une question plus facile à traiter » car il a traditionnellement été moins sujet au financement des conflits et les mines 3T ne représentent pas plus de 23% du secteur ASM dans l’est de la RDC. Il est donc décevant d’observer qu’après toutes ces années, plus de la moitié des mineurs sont toujours affectés par l’ingérence d’acteurs armés.

Au-delà du financement des conflits, d’autres problèmes de sécurité sont associés à l’EMAPE dans l’est de la RDC. Les tensions autour de l’accès aux mines et aux minéraux entre les différents acteurs de l’EMAPE persistent et peuvent conduire à l’implication de groupes armés. En outre, la présence croissante d’exploitations semi-industrielles représente une autre source de tensions pour les communautés locales. Enfin, plusieurs tensions intercommunautaires latentes ont été observées dans les zones minières, et beaucoup d’anciens membres de milices – non démobilisés – travaillent dans les mines. Ces problèmes créent une situation volatile difficile à surveiller pour les agents de l’État.

Supported by USAID, Integrated Land and Resource Governance (ILRG) project